jeudi 14 juin 2012

The Pterodactyl Hunters in the Gilded City

THE PTERODACTYL HUNTERS IN THE GILDED CITY

Il y a de ces œuvres qui vous surprennent. En feuilletant cet ouvrage en provenance des États-Unis, j'étais très loin de m'imaginer que j'avais affaire a ce que l'on appel communément un comic-book. Ou plus exactement, un Graphic Novel. La ressemblance avec ce qui se fait par chez nous, côté Europe, et notamment dans les publications indépendantes, est flagrante. Tant et si bien que j'ai même effectué quelques recherches afin de m'assurer de son origine ! Une sacrée surprise que l'on doit au plutôt débutant Brendan Leach. 
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Photo de "The Comics Journal", article "Pterodactyl Hunters Rule".

Véritable maître à bord de son projet, Leach ne se contente pas d'écrire et illustrer son histoire. Il conceptualise totalement l'album pour lui donner un aspect unique et original, jusque dans l'esthétisme. Ainsi, avant d'en venir au sujet même de cette bande-dessinée, attardons nous un bref instant sur son aspect: loin des formats habituels, il s'applique a prendre la forme d'un ancien tabloïd. Un choix voulu par l'auteur, et très judicieux puisque mêlant habilement la forme et le fond de son œuvre. 

Photo de "Comics & Cola", article "Pterodacyles Hunters in the Gilded City by Brendan Leach".

En ces temps où les copies digitales deviennent de plus en plus communes, faisant craindre chez les paranoïaques la disparition prochaine des publications papiers, on ne peut que féliciter cette initiative à la fois créative (le livre semble tout droit sorti de l'univers qu'il explore) et commerciale (comment ne pas succomber à un ouvrage aussi beau ?). Juste à titre d'information, précisons que la première édition de Pterodactyl Hunters était même offerte gratuitement sur demande ! Un succès public qui entraina inévitablement une rupture de stock. La seconde et nouvelle édition s'est vue dotée d'une couverture cartonnée supplémentaire afin de mieux protéger son contenu. Un petit rajout qui a un coût (la BD coûte désormais 2$, ça reste très raisonnable).

En première page de ce journal fictif daté de Novembre 1904, divers articles servant tout simplement à mettre en place l'intrigue. Sont présentés des évènements historiques et des personnages qui permettent au lecteur de planter le décors en seulement quelques secondes. Ingénieux. L'occasion aussi de placer quelques références cachées puisqu'y sont cités certains illustrateurs américains, dont David Mazzucchelli (le dessinateur du célèbre Batman: Year One) qui fut par ailleurs le professeur de thèse de Brendan Leach !
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Se déroulant donc au tout début du 20ème Siècle, l'intrigue prend place à New York City, dans ce que les américains surnomment le Gilded Age (l'âge doré). D'où le titre complet de l’œuvre d'ailleurs: The Pterodactyl Hunters in the Gilded City, que l'on traduit par "Les Chasseurs de Ptérodactyles dans la Citée Dorée". Il s'agit là d'une période de Reconstruction suivant la célèbre Guerre de Sécession. Un reflet historique sensiblement détourné puisque la population vit dans la terreur de ptérodactyles voraces ! Il n'y a ni comment, ni pourquoi, et c'est là qu'on plonge dans la délicieuse uchronie qui stimule tellement l'imaginaire.


Ici les tours de guet surplombent la ville et les Montgolfières patrouillent. On chasse le ptérodactyle à la dynamite et au harpon sur les toits d'immeubles. Des pancartes conseillent de ne pas sortir la nuit et un dinosaure va faire son nid sur le toit d'une église. Oui, il y a matière a rêver dans l'univers de Pterodactyl Hunters. Guère étonnant alors qu'on souhaite voir des batailles épiques au-dessus de l'île de Manhattan, avec tout un tas d'invention de type Steampunk pour donner la chasse aux ptérosaures ! Moi-même je visualisais déjà une sorte de relecture moderne du vieux serial Zeppelin vs Pterodactyls de 1936 (et qui fut également un projet abandonné par la Hammer en 1971). 


Et pourtant non. Point de bataille rangée entre humains et dinosaures dans cette histoire. Nous ne sommes pas dans un épisode de Cadillac & Dinosaurs et le réalisme reste de mise, aussi étonnant que cela puisse paraître. De l'aveu de l'auteur, l'histoire privilégie avant tout le drame humain et se veut même plutôt intimiste, se focalisant sur la relation dysfonctionnelle de deux frères travaillant pour la Pterodactyl Commission. Deux frangins que tout oppose, sans que cela soit surligner au marqueur comme il est de bon ton dans beaucoup de production américaine. Pour peu que l'on remplace le boulot lié aux ptérodactyles, on se retrouve alors avec un drame familiale très terre-à-terre ! 
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Les protagonistes de ce scénario sont les frères Sullivan, deux hommes venant d'une famille irlandaise. Depuis toujours les Sullivan sont chasseurs de ptérodactyles et Eamon, l'aîné, ne fait pas exception. Il est même le dernier espoir de la ville puisqu'il traque les monstres sans relâche, avec un acharnement qui tient parfois du Capitaine Achab. Faisant peu cas des dommages collatéraux qu'entraine ses combats, il espère bien exterminer les derniers volatiles et libérer New York. Tous les journaux parlent de lui et il fait très certainement la fierté de son père.


Tout le contraire du pauvre Declan, dont la tâche ingrate consiste à surveiller le ciel chaque nuit depuis sa tour de guets, et éventuellement sonner l'alarme lorsqu'un ptérodactyle apparaît. Lassé de cette vie, agacé que le monde n'est d'yeux que pour son frère, il caresse secrètement le rêve de devenir un chasseur lui-même. Peu probable vue la tournure des évènements. Peu probable aussi sa romance avec une amie d'enfance désormais entrée dans les Ordres... Et que faire d'autre ? Son avenir paraît plus qu'incertain.


Avec une grande subtilité, Brendan Leach met en avant les failles de ses personnages, sans porter de jugement. Jamais Declan n'est montré comme lâche ou sournois malgré sa jalousie, et l'héroïsme d'Eamon est contrebalancée par ses actes. Il n'est même pas demandé au lecteur de se positionner, simplement d'observer, bien que le pivot du récit (selon moi) puisse éventuellement faire prendre parti. Malin, l'auteur ne donne pas dans le manichéisme facile et les deux frères se rendent chacun coupable d'un acte réprouvable...

En cette année 1904, la menace ptérodactyle semble pratiquement éteinte. La plupart des créatures ont été exterminées et lorsque commence la bande-dessinée, il pourrait n'en subsister encore que trois. C'est au cours d'une des dernières chasses que Eamon et son partenaire aperçoivent un ptérodactyle et sa proie. Un enfant dont on ne saurait dire s'il est vivant ou non. Faisant peu cas de la situation, Eamon attaque, coûtant – peut-être la vie a une victime innocente.

 
Pour Declan s'en est trop. Sa jalousie peut l'aveugler, mais peut-être a t-il également raison lorsqu'il déclare que son frère ne pense qu'à la gloire, et non pas à la sécurité des habitants. Aussi décide t-il de mettre fin à la carrière d'Eamon en trafiquant son fusil qui va lui exploser au visage, lui faisant perdre un œil et son travail. Une action qui lui permet enfin d'obtenir le poste tant convoité, mais il le regrette aussitôt... Et puis n'est-il pas un peu trop tard pour devenir chasseur, alors même qu'il ne reste peut-être plus qu'une seule créature ?

En dire plus serait raconter le récit dans son intégralité, car Pterodactyl Hunters est une histoire courte qui se lit très vite. Mais les situations décrites ci-dessus devraient vous donner un aperçu de la maturité de l'écriture. Brendan Leach semble avoir un véritable don pour raconter sans trop en faire, allant jusqu'à approfondir un personnage secondaire à travers une simple réplique, une simple phrase faisant écho aux confessions de Declan et qui en dit bien plus long que n'importe quel discours ! Bridget, ou plutôt Sœur Bridget, laisse sous-entendre que pour elle non plus les choses n'ont pas tournés comme elle l'aurait voulu.


Ce passage, a priori insignifiant au regard de l'histoire, interpelle pourtant énormément. Quel est l'histoire de Bridget ? Quelles étaient ses rêves ? Ses liens avec Declan ? Pourquoi est-elle devenue nonne ? Autant de question qui nous passe à travers la tête et nous donne envie d'en découvrir encore plus. En fait c'est peut-être même le seul défaut de ce livre, car il faut pouvoir supporter la conclusion très abrupt, qui ne finalise pas vraiment les problématiques soulevées dans le récit. Mais au regard du drame humain qui se joue, cela convient très bien. Ce sera donc a l'appréciation du lecteur, ou non. Une question de goût...

Cela n'a pas empêché le livre d'obtenir le Xeric Award 2010, une récompense attribuée par une œuvre de charité versé dans les Arts et la Littérature. Pour moi, le seul défaut que je lui ai trouvé tient dans son lettrage. De la police ridiculement petite de la première page du journal, quasi illisible, à l'esthétique des phylactères, un peu trop tremblants, la lecture peut en souffrir légèrement. Rien de bien grave cependant, d'autant qu'on peut arguer qu'il s'agit d'un choix créatif volontaire.


Bref, vous l'aurez compris, je recommande grandement cet ouvrage, beau dans sa forme et dans son contenu. Poétique et rêveur, il offre énormément et témoigne d'un grand talent de la part de son auteur dont il convient de suivre la carrière ! Thumbs up, comme dirait l'autre.


D'ailleurs Brendan Leach lui-même considère revenir sur son univers, évoquant lors d'une interview la possibilité d'écrire deux autres histoires: l'une qui se déroulerait avant Pterodactyl Hunters, montrant finalement New York aux prises avec d'innombrables ptérosaures (la fameuse terreur évoquée en début de récit), et l'autre qui ferait suite aux évènements du présent livre. L'inévitable trilogie en somme, et pourquoi pas du moment que l'écrivain conserve son style enchanteur !

Vous pouvez vous procurer la BD pour une somme dérisoire sur le blog de l'auteur (dont je livre l'adresse plus bas) mais également avec l'édition française de Ça et La, malheureusement dans un format relié des plus classiques et pour un prix supérieur, sous le titre Chasseurs de Ptérodactyles. 


Et si par hasard vous étiez en redemande de ptérodactyles de ce genre, je ne peux que vous conseiller le film Q – The Winged Serpent de Larry Cohen, avec l'excellent Michael Moriarty et David Carradine. Réalisé en 1982, il raconte comment une créature mythologique volante se cache à New York, ayant fait son nid en haut du plus grand gratte-ciel de la ville et sortant de temps à autres se procurer de la nourriture parmi la population !

vendredi 8 juin 2012

[FRAGMENTS] Gypsy Witch – Storyboard

https://i.imgur.com/J88Vs2y.jpg      https://i.imgur.com/Mfjeoy9.jpg


En préparation au storyboard de Sanctuaire, l'épisode 0 de The Gypsy Witch, qui servira aux illustrateurs pour se familiariser avec l'univers et les personnages, j'ai totalement improvisé une autre série de vignettes. Un storyboard pondu dans le désordres le plus complet, d'après quelques idées pour une autre histoire à venir sur les personnages.
Il a été conçu en pleine Japan Expo, alors que je tenais avec quelques autres le stand de Steampunk.fr, et en partie parce que j'avais oublié de prendre avec moi le scénario de Sanctuaire pour gribouiller ses croquis. Vu le temps libre dont je disposais, j'ai pu sans trop de problème esquisser les premières images que j'avais en tête en attendant de développer l'intrigue et de l'écrire.

Globalement, il s'agit d'une confrontation entre deux personnages important de la série: Neige, l'une des héroïnes, et Belinka, la grand-mère d'Alice, qui l'a initié à la sorcellerie mais qui est aussi responsable de la malédiction pesant sur la jeune femme. L'épisode est supposé lever le voile sur les origines de cette punition, expliquer les agissements qui ont conduit les personnages à se séparer et enfin montrer comment l'amour de Neige finirait par changer la situation. Une façon de conclure un cycle dans la série et permettre à Alice de guérir une bonne fois pour toutes de ses blessures.

Précisons que ces "dessins" sont extrêmement mauvais et pas toujours simple à comprendre, et qu'il s'agit avant tout d'un brouillon pour aider les illustrateurs éventuels pour adapter mon écriture.
Voici, pour information, ce qu'on est censé y comprendre: 



L'histoire commence une nuit de pleine lune, dans la boutique que tiennent Alice et Neige. On peut y voir de multiples artefacts et objets magiques que vendent et / ou utilisent les héroïnes au cours de leurs aventures. La lumière provient de l'éclairage lunaire, par le biais d'une baie vitrée.


Nous découvrons ensuite une main qui trempe un linge dans un récipient d'eau. C'est Neige, qui est éveillée et s'occupe de prendre soin de sa bien-aimée.


Alice, en effet, passe une nuit difficile en raison de son affliction. Elle est fiévreuse et terrorisée par des cauchemars, pleurant et geignant dans son sommeil. Son œil blessé, qui ne peut pas guérir en raison de la malédiction, coule des larmes de sang.




Neige nettoie son visage et se tient à ses côtés dans le lit, veillant sur elle. Son regard se pose sur une des mains d'Alice, où se trouve là encore une blessure saignante. Un pentacle gravé dans les chairs (hommage évident au classique de 1941, The Wolf Man), sorte de marque venant prouver la damnation lancée par Belinka.


Bien qu'elle soit habituée à cela, Neige ne peut supporter de voir sa compagne souffrir de cette manière et la tristesse se lit sur son visage... Elle réfléchie.


Un gros plan sur ses yeux montre subitement son regard changer. On peut y voir de la détermination et de la colère: elle a prit sa décision.



Neige embrasse Alice, n'hésitant pas à serrer sa petite main comme pour lui témoigner toute sa force et son amour. Elle ne la réveille pas, lui disant en fait au-revoir puisque se préparant à la quitter pour quelques temps.


Une dernière image la montre de dos, en contre-jour, observant la pleine lune par la baie vitrée. Neige est une louve-garou, et on devine sans problème qu'elle prépare sa métamorphose.


La lune sert ensuite de transition pour un nouveau paysage. Un autre monde. Le changement d'un univers à l'autre n'est pas montré dans cet épisode puisqu'il importe peu (autant d'éléments déjà présenté lors d'épisodes précédents).


Nous voyons donc une vieille roulotte de gitans, et il s'agit plus particulièrement de la caravane de Belinka. Elle est la sorcière de son clan et y vit seule, donc la taille du véhicule est plutôt modeste.


A l'intérieur, la vieille femme dors, confortablement installée dans son lit. Encore une fois, l'endroit est éclairé d'une faible lueur par la fenêtre, dont on peut voir l'ombre sur le sol.


La sorcière se réveille en sursaut, prévenue par un sixième sens qu'elle a acquis à force de verser dans le surnaturel. Elle sait que quelque chose se trouve dans la caravane, avec elle...



Le cadrage adopte son point de vue et, tout au fond de la pièce, dans la pénombre, une paire d'yeux est visible. Un gros plan montre qu'il s'agit du regard d'un loup, braqué sur elle.


Belinka se lève tandis que le monstre sort de sa cachette. La vieille femme parait petite et frêle en comparaison du corps jeune et animal, mais elle ne recule pas, se dressant devant l'envahisseur.


Le loup – Neige – se dévoile pleinement. C'est peut-être l'une des premières fois que sa forme de louve apparaît comme menaçante et monstrueuse, plutôt que mystique. Une façon de montrer la colère de la jeune femme et ce qu'elle est prête à faire pour défendre Alice.


Un plan serré sur ses mâchoires montre une gueule pleine de croc, s'ouvrant pour laisser échapper un grondement. Une morsure serait assurément mortelle.


Belinka ne se démonte pas pour autant. C'est une femme âgé qui a passée la plupart de sa vie à œuvrer avec des forces magiques. Son regard est dur, elle ne montre aucune peur et reste droite façon à son adversaire. Ses mains sont levées vers la louve comme pour lancer un sort, ou faire un signe quelconque (et à vrai dire j'ai totalement oublié ce que je voulais faire ici, ce qui n'est pas très malin).


Une patte griffue se lève, dangereuse et prête à frapper.


La case suivante paraît en contre-jour. Ce qui est important ici et l'idée de violence plutôt que le coup en lui-même. Neige frappe Belinka avec une telle force que la sorcière est projetée en arrière. Il faut simplement montrer la différence entre les deux êtres, la façon dont l'un domine totalement l'autre.
D'où l'annotation précisant qu'il doit s'agir d'un contre-jour, éclairé par la lune. Une façon de styliser l'action plutôt que de la dépeindre réalistement.


Belinka se retrouve à terre, le visage contusionné. Neige a volontairement maitrisé son attaque car son but n'est pas de tuer sa proie. La louve s'approche de la vieille femme et plonge son regard dans le sien, dans le but d'intimider la sorcière et de lui montrer l'étendu de sa colère...

Et le storyboard s'arrête ici, puisque j'ai récupéré le script de Sanctuaire par la suite et qu'il fallait que je le complète en priorité. Cette histoire ne va donc pas encore plus loin que cela, même si je sais déjà que la suite montre une conversation entre les deux protagonistes jouant sur le rapport de force et une divergence d'opinion, avec un retournement de situation en cours de progression.
Neige, d'abord louve et toute puissante, va progressivement redevenir humaine et paraître inexpérimenté face à une Belinka qui retrouve sa prestance. Toutefois son amour, sa sincérité et sa volonté va faire voler en éclat les anciennes lois et l'attitude rigoureuse et conservatrice de la vieille femme...

mardi 5 juin 2012

The Gypsy Witch – Épisode Spécial #0: Sanctuaire

Pour information. Chaque paragraphe correspond à une description de case. Il y en a 104 au total.
Les noms en italiques sont ceux des personnages, comme au théâtre. Si la mention (voix off) l'accompagne, cela veut dire que le texte sera dans une petite case de narration. Sinon, il s'agit d'une bulle.

Je précise qu'il s'agit d'un n°0 à destination des illustrateurs intéressés par le projet. Il ne s'agit pas vraiment là de raconter une histoire mais de présenter quelques éléments, voir s'ils sont accrocheurs. Plusieurs points narratifs peuvent sembler flou, c'est parce qu'ils seront développés dans les autres numéros.

Bonne lecture !


Épisode Spécial #0
Sanctuaire



1. Une plaine désertique est balayée par le vent. Il fait jour, beau. En vue d'oiseau, on aperçoit un chantier de chemin de fer en pleine construction. Les rails sont posés jusqu'à un certain point, la compagnie est entrain de faire passer la ligne à travers le désert. Des employés s’affairent, aidés de robots automatiques faisant les tâches les plus difficiles (transport du matériel lourd, fixage des rails). Une grosse machine semblable à une locomotive est à l'arrêt. Elle est imposante, fonctionne à la vapeur et aux fantômes et semble servir à la fois pour transporter le matériel (dans des wagons) et pour tester les rails en passant dessus. Sur le dessus, on peut observer de gros tubes en verre scellés, contenant des formes gazeuses. Ce sont des fantômes, enfermés et employés comme carburant. Le devant est une turbine gigantesque et plusieurs bombonnes de gaz sont disposées vers le bas, alimentant la machine via tout un réseau de tuyaux. Dans le ciel, un immense Zeppelin veille, supervisant les opérations et servant de bureaux pour les hommes d'affaires de la société.


2. Tout cela est visible du point de vue d'Alice, qui se tient au bord d'un haut plateau. Son chapeau visé sur la tête, elle observe sans rien dire le manège des ouvriers. Son visage n'exprime aucune expression particulière, mais elle semble amer, désabusée.

Alice (voix off)
Fut un temps où toute cette zone avait une importance.


3. Alice regarde un peu plus bas, au pied de la falaise où elle se tient. C'est là que le chemin fer va passer lorsque la construction sera terminée. On y voit sur une large zone un amas de squelettes gigantesques. C'est un cimetière d'éléphants, ou de créatures peut-être encore plus anciennes comme le montre les étranges symboles sur les cornes d'ivoires encore intacts. Des arabesques, des spirales et autres gravures esthétiques, témoignant de l'aspect mystique de ces animaux disparues.


4. En regardant ces vestiges, Alice retire son chapeau. Il semble évident que quelque chose l'affecte. Les bras le long du corps, on réalise qu'elle se tient vraiment très près du gouffre, comme si elle s'apprêtait à sauter. Ses longs cheveux sont balayés par le vent mais elle s'en moque.

Alice (voix off)
Un endroit sacré voué à disparaître.


5. Parmi les différents équipements des ouvriers, laissés sur le sol rocailleux en attendant utilisation, on peut apercevoir différentes caisses de dynamites à l'ancienne, et quelques vieux détonateur-levier.


6. Du côté du cimetière, tout semble paisible. On aperçoit encore des crânes immenses et des carcasses parfaitement nettoyées. Seul une petite brise soulevant la poussière les déranges.

Alice (voix off)
Dans quelques instants, la compagnie va faire sauter le sanctuaire.


7. Alice ferme les yeux, faisant le vide. Elle tente de rationaliser ses sentiments.

Alice (voix off)
C'est un contrat comme un autre. Alors pourquoi est-ce que ça me perturbe autant ?


8. Case noire, comme pour marquer la transition entre le présent et les flash-back qui suivent.

Alice (voix off)
Ils sont venus nous voir. Plein d'argent et de promesses.

9. Sépia. Nous sommes dans le magasin d'antiquité. Alice se trouve à son comptoir, où l'on peut apercevoir une ancienne caisse-enregistreuse et un téléphone. Elle se tient droite, attentive, très ''professionnelle''. Derrière elle sur la grande étagère s'entassent tout un tas d'objets bizarres: crânes, bocaux remplis de choses étranges, masques tribaux en forme de démons, jouets à l'allure macabre (un singe à timbale, un Jack in the Box). Fossiles, minéraux et statuettes. Devant elle se tiennent deux représentants de la compagnie, habillés à la manière des riches propriétaire de l'Ouest Sauvage: costumes chic et colorés, gants, chapeau melon. L'un d'eux tient une petite valise à la main.

Alice (voix off)
Un de leur chantier connaissait de sérieux problèmes d'ordre surnaturel.
Un des terrains que la ligne de chemin de fer devait traverser était hanté et
ils avaient un besoin urgent d’exorcistes. De vrais professionnels.

10. Sépia. Le chantier de construction. On peut y voir un train littéralement défoncé, comme-ci un troupeau d'éléphants lui était passé dessus. Les wagons sont renversés, transpercés, la locomotive a été comme piétinée. Les rails sont défoncés, le métal tordu dans tous les sens et les caisses de matériels laissées au sol sont pulvérisés. Les robots-ouvriers ont été démembrés et les cuves à fantômes sont brisées, vides.

Alice (voix off)
Les dégâts et le retard accumulé les avaient placés dans une situation difficile.
Le spectre responsable de leur problème était désormais une priorité absolue.
Et pour nous un contrat en or.


11. Sépia. Le cimetière d'éléphants. Neige est accroupie sur un énorme crâne, juste au-dessus de la région nasale. On dirait qu'elle est perché comme une louve sur son rocher, les mains reposant sur ses genoux. Elle regarde sur sa gauche, fixant quelque chose qu'on ne peut voir. A sa droite on peut voir Alice qui admire, stupéfaite, une défense bien plus grande qu'elle, comme une colonne d'ivoire. Elle passe son bras autour pour toucher aux gravures, 

Alice (voix off)
Mais une fois sur place, il a bien fallu se rendre à l'évidence.
La situation n'était pas ce qu'elle semblait être...

12. Sépia. On voit, de profile, Alice, faisant face au crâne d'un éléphanteau tout petit. Elle tend la main pour le caresser, compatissante. Son expression est celle qu'on retrouve au début de l'histoire, une sorte de tristesse intérieur. 


13. Retour à la couleur et au présent. Nous voyons Alice de dos, toujours les cheveux au vent.

Alice (voix off)
Les esprits ne faisaient que protéger leur domaine.


14. Gros plan sur sa joue, du côté de son œil blessé. Bien que nous ne puissions le voir, caché par des mèches de cheveux, nous pouvons apercevoir le sang couler.


Alice (voix off)
C'est nous qui ne devrions pas être là.
C'est nous que l'on devrait chasser...


15. Gros plan sur le visage de Neige, de ¾, légère contre-plongée. Nous ne pouvons apercevoir que le bas de son visage, le reste étant caché sous la capuche d'une grande cape. Sur son menton et ses joues, des peintures cérémonielles.

Neige
Les Mânes* sont touchés par ta sollicitude.

16. Neige est agenouillée au sol, un peu plus loin. Elle se tient face à un grand feu, enveloppée dans une grande cape richement décorée. Elle est brodée à la manière d'une tenture et de petites décorations en métal sont accrochés à ses rebords (croissant de lunes, étoiles). Ses bras nus en émerge, tendus en l'air. On peut voir sur sa peau la présence d'autres peintures tribales. Elle tient dans chaque main des bâtons shamanique, petits bouts de bois sculptés dont les extrémités fonctionnent comme outils à découper.

Neige
Cependant je ne comprends pas ce qui te trouble...

17. Alice se tourne légèrement, le visage peiné, sans répondre.

Alice (off)
Ce n'est pas un exorcisme. Ce sont des funérailles.

18. Sépia. On la voit, enfant (12 ans), face à une tombe. Sa mère se tient près d'elle et lui tient la main mais on ne la voit pas entièrement.


19. A l'avant-plan, Alice (face), caresse son ventre, juste à l'endroit où le ferait une femme enceinte. A l'arrière-plan, Neige poursuit son activité en lui tournant le dos.

Alice (off)
Les enterrements, c'est juste pas mon truc.


20. Gros plan sur les bâtons de Neige. Elle les tapes devant elle, l'un contre l'autre, provoquant un son plus fort que les autres.


21. Gros plan sur les yeux de neige. Un regard déterminé On ne voit rien d'autres, la capuche cachant son front. On peut apercevoir encore une fois ses peintures tribales. Elle prononce une formule.

Neige
"E ora affronterai il mare delle tenebre,
e ciò che in esso vi è di esplorabile."

22. Contre-plongée. Les flammes redoublent d’intensité, s'élevant haut dans le ciel. La fumée prend des formes, celles de plusieurs têtes d'éléphants amalgamées ensembles. Des bouches ouvertes ou fermées apparaissent, des trompes de tailles variées, des défenses impressionnantes, ici et là quelques pattes massives. C'est une vision de cauchemar.

23. Neige s'est redressée, sa cape tombant à ses pieds. Son corps, partiellement dénudé, est couvert de peintures tribales. Debout, tenant sa cape d'une main, l'autre bras le long du corps, elle se tient de ¾ et regarde les fantômes s'évanouir dans le ciel. Elle semble calme, très détendue.

Neige
Soyez en paix et retournez à la planète.


24. Alice, de profile, remet son chapeau. Tête base, elle ne partage pas le sentiment de soulagement de Neige.

25. Près de la grande machine à turbine, Alice et Neige se retrouvent de nouveaux faces aux hommes d'affaires qui leur avait proposés le travail. Le plan est le même mais inversé: Alice et Neige (enveloppée dans sa cape) nous tournent le dos tandis que les cadres nous font face, très sérieux et professionnels.

Alice (off)
Bien que la compagnie ait réclamée les droits de propriété
sur le fantôme du chemin de fer, notre rapport le porta disparu.
Trop sauvage pour être dompté et recyclé. Le comité ne fut pas
difficile à convaincre et comme promis, la prime fut avantageuse.

26. Des robots plantent des bombes ici et là dans le cimetière. Plan large, depuis le sol.

Alice (off)
Avec le retard accumulé, la compagnie n'avait pas le temps de s’embarrasser
de petits escrocs. Tant que le boulot était fait, elle fermerait les yeux.

27. De loin, l'explosion est titanesque. Alice et Neige y assistent, les vêtements et les cheveux balayés par la projection du vent. De la poussière et des débris voltigent dans tous les sens. Plan de profile, juste les bustes. A l'avant-plan se tient Neige, toujours dans sa cape mais sans la capuche (rejetée par le vent). Plus loin (et plus en avant) Alice, qui agrippe son chapeau.


28. Vue d'ensemble du cimetière. Il ne reste presque plus grand chose, les ossements ont été détruits et les débris sont éparpillés un peu partout. Un cratère énorme a entamé le plateau et des morceaux de roches retombent ici et là.

Alice (off)
Tout le monde y trouve son compte, l'équilibre est préservé.

29. Vue d'ensemble. La nuit tombe sur le campement. Divers projecteurs ont été allumés pour veiller sur les robots automatisés, et les ouvriers ont allumés quelques feux de camp. Dans le ciel, le Zeppelin est toujours là et on peut également apercevoir des lumières dans la cabine.

30. Alice (de profil – droit) est seule, près d'un feu de camp. Elle est assise sur un amas de sac en toile de jute qu'elle a récupéré quelque part dans le coin. A l'arrière plan on peut apercevoir sa roulotte. C'est une vieille caravane de gitan tout en bois, avec une fenêtre à volets sur le côté.
Alice n'a plus son chapeau, posé quelque part près d'elle, et elle tient une clé anglaise pour desserrer les vis de son attèle au genou.

31. Gros plan sur l'attèle, de ¾. La main gauche tenant le genou, elle desserre la vis sur le côté droit du genou avec la clé anglaise.

32. Gros plan sur son visage. De la musique attire son attention et elle relève la tête, curieuse.

33. Plan large. Un feu de camp voisin, un peu plus loin, où s'amusent un groupe d'ouvriers. Assis ou debout, ils semblent s'amuser et ont le verre à la main. L'un joue du banjo, un second l'accompagne à l’accordéon.

34. Gros plan sur le visage d'Alice. Elle regarde la scène avec le même air peiné qu'un peu plus tôt, pendant l'exorcisme.

35. Dans l'autre campement, on peut désormais y voir Alice. La scène est quasi identique à la case précédente à la différence qu'a la place des ouvriers, on voit des musiciens gitans. Alice les accompagnes, elle est souriante et ne possède aucune blessure. On peut nettement voir ses jambes en mouvements, dont la gauche, alors intact.


36. Gros plan sur le genou d'Alice. Sa main droite l'enserre nerveusement. Un insiste bien sur la cicatrice moche et le carcan en métal qui semble très douloureux à supporter.

37. Gros plan sur un flacon posé a terre près d'elle, avec le reste de son équipement. Il est en verre, à la manière des boites d’apothicaires de l'ancien temps, et possède une étiquette avec une écriture à la main. ''Painkiller''. On voit la main d'Alice qui s'apprête à l'attraper.

38. Alice relève la tête et avale quelques pilules, d'un coup.


39. Une main posé sur le front, Alice rentre la tête dans les épaules et ferme les yeux, attendant que les médicaments fassent effet.

40. Une main se pause sur son épaule. Celle de Neige, qui arrive par derrière.

41. Contre-plongée du point de vue d'Alice, on voit Neige qui lui souri gentiment. Elle n'a plus ses peintures de guerre et tient un petit sac de l'autre main. Elle porte toujours sa cape sur elle.

42. Plan américain – Alice. Tête un peu basse, regarde ses pieds, embarrassée. Autour de ses épaules on aperçoit les mains de Neige, qui l'enveloppe de sa cape.

43. Plongée légère, point de vue d'Alice. Neige est à ses genoux, son sac posé à côté d'elle. Elle lui tient doucement la main qui enserre le genou, l'autre commence déjà à défaire une vis. Elle a l'air concentré.

Neige
Laisse-moi faire.

44. Plan large, de profile. Neige s'applique à enlever l'atèle alors qu'Alice la regarde faire silencieusement.

Neige
Je vais te faire un bandage avec des herbes 
pour la nuit, ça t'apaisera un peu.


45. Gros plan, visage d'Alice qui ferme les yeux d'un air abattu.

Alice
… Merci.


46. Gros plan sur le genou qui se fait enrouler par le bandage.

Neige
Ce travail semble avoir ravivé de vieilles douleurs...

47. Sépia. Deux fillettes d'une dizaine d'années jouent ensemble près d'un lac. L'une est Alice, que l'on peut reconnaître grâce à ses longs cheveux, qu'elle porte libre, et quelques bijoux semblables à ceux qu'elles possèdent maintenant. L'autre enfant est sa jumelle. Elle possède des cheveux plus court, en une tresse épaisse. Elles sont mignonnes et souriantes.

48. Gros plan sur les yeux d'Alice, toujours fermés. Elle pleure légèrement, un début de larmes sous ses yeux. Du côté de son œil blessé, bien sûr, il y a la couleur du sang.

Alice
Je ne supporte pas les enterrements.

49. Gros plan sur le visage d'Alice, profile gauche (œil blessé). La main de Neige caresse sa joue, comme pour essuyer le sang.

Neige
Il serait peut-être temps de tourner la page, tu ne crois pas ?

50. Plan moyen, de profile (droit). Neige est redressée, penchée en avant et pose son front contre celui d'Alice. Elles se regardent droit dans les yeux.

51. Plan serré, de profile (gauche). Neige est maintenant debout, sa tête hors champ. Alice, toujours assise, se serre contre elle, sa tête reposant sur son ventre. Elle ferme les yeux et se laisse aller à pleurer encore. Neige l’enlace, une main sur sa tête, l'autre bras autour de ses épaules.

Alice
Je suis désolée...

52. Plan d'ensemble. Il fait nuit, la lune est haute dans le ciel et le feu de camp est éteint. Il n'y a plus aucune activité On ne voit que la roulotte, dont le volet latéral est fermé.

53. A l'intérieur de la roulotte. Nous sommes du point de vue du plafond. Sur le côté, de vieilles étagères en bois pleines de matériels et de bibelots nécessaires à la chasse aux fantômes. Au hasard, on peut y voir de petits tubes en verre, des  parchemins, quelques pierres et talismans ainsi que d'étranges objets ressemblant aux mécanismes des horloges.
Le sol est une série de couettes et de matelas, avec quelques coussins, sur lesquelles sont allongées les deux sorcières. Un aspect oriental en ressort dans les couleurs, les motifs et la forme générale.
Neige dors sur le côté, roulée en boule. Elle est nue, le corps enveloppée dans un drap.
Alice est allongée sur le dos, un bras le long du corps, l'autre par-dessus sa tête. Elle porte un boxer et un court débardeur. Elle ne dors pas et fixe le plafond. Ses cheveux sont dégagés et la cicatrice de son œil est bien visible.

Alice (off)
J'ai craquée. Ça ne m'arrive pas souvent
mais parfois... Je me laisse un peu aller.

54. Gros plan sur son ventre. Une fois encore, elle pose sa main, juste sous son nombril, comme si elle était enceinte.

Alice (off)
Neige pense qu'il serait temps que je fasse mon 
deuil, mais... C'est un peu plus compliqué.

55. Vue interne de son ventre. Nous sommes en fait à l'intérieur de l'utérus d'Alice, tout y est très sombre et peu visible. Cependant nous pouvons voir ce qui ressemble à un fœtus. Il ne s'agit cependant pas d'un véritable enfant mais d'un fantôme ! Un minuscule spectre qui repose là.


56. Gros plan sur les yeux d'Alice. Ils sont fermés, elle tente de s'endormir.

Alice (off)
Je la revois chaque fois que je ferme les yeux.

57. Noir et blanc. Plan américain sur la jumelle d'Alice, petite fille. Elle est couverte de blessures importante mais regarde droit devant elle sans ciller. Du sang coule abondamment de son visage, son œil gauche est crevé, une blessure impressionnante, avec une énorme coupure qui se poursuit sur toute la longueur de son visage. Des éraflures et plaies plus ou moins importantes sont visible un peu partout sur son corps, et du sang macule ses vêtements. Ses lèvres sont fendues, une côte cassé a transpercée la peau et ressort partiellement.

58. Noir et blanc. Séquence précédente chronologiquement. La petite est percuté de plein fouet par une voiture gigantesque par rapport à elle. Le moment d'impact est violent, elle commence a partir en arrière, comme propulsé à toute vitesse. On peut voir l'une de ses jambes (droite) déjà brisé par l'impact et tordue dans un angle bizarre.
[Note: la scène pourrait être uniquement en ombre chinoise, pour donner un aspect stylisé et rendre la tâche plus facile pour le dessinateur]

59. Noir et blanc. Plan large: Alice se tient à genoux auprès de sa sœur, en larmes. Il y a de nombreuses personnes tout autour d'elles qu'on ne voit pas tout à fait, comme si tout était flou. Alice est couverte du sang de sa jumelle.

60. Noir et blanc. Contre-plongée, Alice lève ses bras vers elle et réalise avec horreur tout le sang.

61. Noir et blanc. Plongée, point de vue d'Alice. Sur ses bras, le sang est subitement bien moins présent, comme si son corps l'absorbait.

62. Noir et blanc. Toujours a genoux, Alice relève la tête et hurle. Il n'y a plus aucune trace de sang nulle part, ni sur elle, ni sur ses vêtements. Une sorte de brume, de gaz, tourbillonne en volutes autour d'elle. La base est hors-champ mais provient du corps de sa jumelle car il s'agit, bien sûr, de son fantôme. Seule ce spectre est coloré par rapport au reste de l'image (vert pâle).


63. Vision interne – couleur. Nous sommes dans une veine, en vision microscopique. Des globules rouges sont visibles ici et là, témoignant que nous nous trouvons dans le flux sanguin. Une ligne de vapeur verdâtre sillonne dans le conduit, slalomant entre les globules.


64. Vision interne, couleur. Nous sommes une nouvelle fois dans l'utérus d'Alice. Le gaz s'accumule dans cette poche sombre, s'enroulant comme pour prendre forme.

65. Plan identique. Le gaz forme désormais le fœtus spectral, intangible, reposant comme vue précédemment à l'intérieur du ventre d'Alice.

66. Noir et blanc – Alice adulte, plan moyen. Son ventre nu est le milieu de l'image, le haut et le bas du personnage étant hors champ. En couleur toujours, le gaz vert représentant le fantôme. Il forme comme des ronds de fumée en spirales autour de sa taille, l’extrémité supérieur s'enroulant autour de son nombril. Elle est vêtue de ses vêtements habituels.

67. Noir et blanc. Alice, de ¾, est comme ligoté par les filaments de fumée verte. De son corps émerge le buste de l'enfant-fantôme, comme si celui-ci était entrain de sortir de son corps. Le spectre possède l'apparence de la jumelle, juste avant son accident. Elle n'a pas vraiment d'yeux, uniquement la forme sans détail des iris ou des pupilles. Alice est horrifié par la situation, tentant de se débattre, mais le fantôme n'affiche aucune émotion.


68. Noir et blanc. Plan serré, de profile. Le fantôme fait maintenant face à Alice et lui prend la tête dans ses mains. Alice, apeurée et toujours immobilisée, la regarde faire avec appréhension.


69. Noir et blanc. Du point de vue d'Alice. Le fantôme lui fait face et ouvre la bouche. Elle possède comme des canines de vampire. A l'intérieur de sa ''gueule'', une vision étrange. L'espace. Le vide interstellaire. 


70. Noir et blanc. Gros plan sur un œil d'Alice qui s'écarquille de terreur.

71. Noir et blanc. Le fantôme mord Alice dans le cou, comme un vampire. Le sang coule, en rouge, qui est maintenant la seule seconde couleur visible. Alice a la tête rejeté en arrière, souffrante. Une larme de sang coule de son œil gauche (celui qui est blessé dans la réalité). A travers le corps vaporeux du fantôme, on peut apercevoir le sang rouge d'Alice. Celui-ci semble prendre une forme gazeuse également et part en volutes.

72. Plan serré sur Alice, plongée. Elle se réveille en sursaut, ouvrant la bouche pour pousser un petit cri. Son œil blessé saigne et elle est couverte de sueur.

73. Contre-plongée depuis le sol, Alice de ¾. Elle s'est assise, dépité par ce nouveau cauchemar. Essoufflée, elle s'essuie le visage d'une main.

Alice (off)
Encore une nuit paisible...

  74. Gros plan sur le visage de Neige. Elle dors toujours. La main d'Alice lui caresse doucement les cheveux.

Alice (off)
Allez... Rentrons à la maison.

75. Contre-plongée, vue d'ensemble. Le chariot quitte le chantier durant la nuit.

76. Vue d'ensemble, sens inverse. Alors qu'au loin le Zeppelin se trouve toujours haut dans le ciel et le train géant a l'arrêt, Alice s'éloigne. Elle conduit la caravane, tirant les rennes du cheval mécanique.
Elle s'est rhabillée mais ne porte pas son chapeau.

77. Vue de profile. La caravane passe près des ruines, Alice n'y jette pas même un œil. Au pied de la falaise on peut voir une machine gigantesque, sorte de foreuse prévue pour faire un tunnel dans la pierre.

78. Légère contre-plongée, ¾. Alice remarque quelque chose sur la route et tire sur les rennes.

79. Légère plongée, point de vue d'Alice. Sur le chemin traîne une ancienne défense, pratiquement intact si ce n'est l'une des extrémités, érodées, et quelques fissures.

80. Vue d'ensemble, depuis le sol. Nous sommes juste derrière la défense et on peut voir Alice et son chariot de l'autre côté. On peut également voir qu'une sorte de lumière bleuté est émise par les gravures sur la défenses.

81. Plongée (vertigineuse). Depuis le ciel, nous pouvons voir la défense briller énormément dans la nuit, avec un grand halo bleu pastel qui s’élargit. Dans le bas de la case, on peut voir le chariot immobile.

82. Plan serré. Dans le halo bleu, on peut désormais voir la défense léviter de plusieurs mètres au-dessus du sol. Quant à l’extrémité qui était autrefois connectée à l'éléphant, il y a comme une petite explosion d'étincelles, un arc électrique qui crépite.

83. Plan différent, de ¾. La défense nous fait pratiquement face, pointe vers l'avant. De l'autre côté, on peut apercevoir une forme fantomatique encore très vague se dessiner dans l'air. En regardant bien, cela ressemble à la tête d'un éléphant, la défense prenant place tout naturellement sur ce corps.
Note: la défense est celle de gauche.

84. Plan identique, la forme est maintenant clairement visible malgré le halo de lumière. Il s'agit donc d'un fantôme, et sa consistance est toujours vaporeuse mais bien visible.

85. Alice regarde la scène, bouche bée. Elle est cadrée serrée, de face.

86. Plan large. Le halo de lumière a diminué. L'éléphant, qui se tient de profile, tourne maintenant la tête face à nous, pour regarder Alice.

87. L'éléphant, contre-plongée. Il relève la tête et barrit, pointant sa trompe vers le ciel.

88. Plan similaire. Alice lève timidement la main comme pour le saluer en retour, pas très sûre d'elle.


89. Plan du sol. Des dizaines de pattes d'éléphants, fantômes, au pas de course.

90. Retour du plan large précédent, lorsque l'éléphant fait face à Alice. Sur la droite entre dans le champ une horde d'éléphants fantômes, traversant en ligne à l'arrière-plan.

91. Plan identique. La horde sort du champ.

92. Plan identique. Le premier fantôme rabaisse sa tête pour regarder Alice à nouveau, comme plus haut.

93. Plan identique. Un éléphanteau fantôme traverse en courant pour rejoindre le reste de la horde, en retard à cause de ses petites pattes. Il semble un brin paniqué et galope en vitesse. Il s'agit, en fait, du bébé éléphant dont Alice avait touché le crâne au début de l'histoire.

94. Plan identique. L'éléphanteau a disparu. Le premier fantôme prend tranquillement le même chemin, pour rejoindre sa horde. Le derrière de son corps commence a s'étioler et disparaître en fumée.

95. Plan serré sur Alice. Elle regarde la scène, fascinée. Sa main est toujours en l'air, un peu molle, car elle n'a pas pensé à baisser le bras.


96. Gros plan sur sa main. Une autre main (droite) vient la lui prendre doucement, celle de Neige.

97. Plan de face. Alice ne bouge pas mais lève la tête vers l'arrière. Neige vient d'arriver, toujours enroulée dans un drap. Elle sourit en regardant également la scène et passe son autre bras (gauche) autour des épaules d'Alice.

98. Plan large. La plaine désertique. Il ne reste désormais du fantôme qu'une très légère brume bleu, pratiquement effacé.

99. Légère plongée. Le fantôme a maintenant disparu et la défense tombe au sol.

100. Plan rapproché, Alice et Neige de face. La sorcière regarde en direction de la défense, désormais plus calme, posée. Neige est tourné vers elle, très proche, avec un sourire malicieux.

Neige
Les esprits nous rendent hommage. C'est un cadeau rare...

101. Gros plan sur l'oreille d'Alice. La bouche de Neige se trouve très prêt, lui chuchotant quelque chose.

Neige
Cette nuit, ils veilleront sur notre notre sommeil.

102. Plan identique. Elle lui mordille le lobe de l'oreille.

103. Gros plan. Neige embrasse maintenant le cou d'Alice. Pour la première fois de la BD, celle-ci se met a sourire. Elle ferme les yeux et profite.

Alice (off)
Ok, j'avais tort... Cette nuit sera très mouvementé.

104. Vue d'ensemble, depuis le sol. A l'avant plan, la défense. Plus loin derrière, la caravane. Alice et Neige ne sont plus visible car de nouveau à l'intérieur. A travers le petit volet cependant, on peut voir la lueur d'une lumière tamisé.



Fin


* Les mânes (manibus: bienfaisants) sont les âmes de ceux qui ont eu une sépulture convenable. Les larves (larvae: malfaisants) sont celles de ceux qui n'ont pas eu une sépulture décente. Les lémures, quant à eux, sont les spectres des criminels, qui hantent les maisons.